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Réceptions de Quinte-Curce

Appel à contributions pour un volume collectif, Postérités européennes de Quinte-Curce, de l'humanisme aux Lumières (XIVe-XVIIIe siècles), à paraître dans la collection Alexander redivivus.

Quand
23/11/2016 à partir de 16:00 (Europe/Vienna / UTC100)
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Université de Lille 3 –ALITHILA  et  Institut universitaire de France

Catherine Gaullier-Bougassas

http://mythalexandre.meshs.fr/?set_language=fr
http://www.brepols.net/Pages/BrowseBySeries.aspx?TreeSeries=AR

Programme de recherches : Alexandre le Grand

dans les littératures européennes

 

Postérités européennes de Quinte-Curce :

Transmissions et réceptions, de l’humanisme aux Lumières

(xive-xviiie siècle)

 

APPEL À CONTRIBUTIONS POUR UN VOLUME COLLECTIF À PARAÎTRE DANS LA COLLECTION ALEXANDER REDIVIVUS CHEZ BREPOLS FIN 2017

 

Pendant des siècles, Quinte-Curce a été l’un des historiens latins les plus lus et son Historia a circulé dans une grande partie de l’Europe. Les manuscrits conservés attestent une diffusion modeste jusqu’au XIVe siècle. À partir de la fin du XIIe siècle, l’Alexandreis de Gautier de Châtillon, adaptation épique de l’Historia, déploie certes magistralement son influence, mais contribue sans doute à sa relative occultation, même si une translation inachevée voit le jour en Allemagne au XIIIe siècle (Rudolf von Ems). C’est à partir du XIVe siècle et surtout au XVe siècle que la transmission du texte latin est réactivée grâce à la lecture et à la plume d’humanistes italiens, à commencer par Pétrarque, et les copies manuscrites deviennent très abondantes, tandis que s’écrivent les premières traductions en langue vernaculaire dans les langues romanes (italienne, française, castillane, puis portugaise) et qu’apparaissent les premiers imprimés. La diffusion s’amplifie encore très nettement du XVIe au XVIIIe siècle, avec la multiplication des éditions, des traductions dans les langues romanes, en anglais, en allemand…, des réécritures et aussi des adaptations fictionnelles.

Le volume Postérités européennes de Quinte-Curce : Transmissions et réceptions, de l’humanisme aux Lumières (xive-xviiie siècle) se donne pour objet d’étude les modalités de ces différentes formes de transmission, de circulation et de réception du texte en Europe, leurs acteurs – copistes, éditeurs, imprimeurs, illustrateurs, traducteurs, auteurs –  et les lectorats visés et impliqués, ainsi que les exploitations esthétiques, politiques et éthiques du texte au fil des siècles, ses usages culturels et sociaux dans des contextes d’écriture divers.

Il s’agira d’analyser son implication et le rôle actif que le texte exerce dans des réflexions et des débats qui parcourent plusieurs siècles : une réflexion politique et éthique sur le pouvoir royal et la conquête guerrière, avec l’exploitation de la figure d’Alexandre au service d’intérêts de souverains particuliers, un discours pédagogique de mise en garde ou bien parfois une critique de l’absolutisme et même une dénonciation des dangers du texte ; une réflexion sur les méthodes et l’art de la traduction, la promotion des langues d’écriture et l’affirmation d’un modèle linguistique et esthétique ; une réflexion sur l’écriture et la vérité historiques, dont l’évolution montre en France un renversement du jugement sur la valeur historique du texte de Quinte-Curce.

Sont ainsi envisagées :

1) La transmission du texte latin, ses copies manuscrites, puis ses éditions imprimées : la matérialité des manuscrits et des imprimés, les pratiques concrètes de publication et les effets de sens induits, les pièces de paratexte, les compléments apportés aux lacunes du texte (depuis certains manuscrits médiévaux jusqu’à Johann Freinsheim), les possesseurs des livres et leurs circulations, les manuscrits et imprimés annotés, témoins de lecture (Pétrarque, Erasme, Montaigne…), les illustrations, les mises en recueil avec d’autres textes, la fragmentation en anthologies…

 

2) Les traductions manuscrites et imprimées dans les différentes langues européennes, supports d’une réflexion sur l’art de la traduction et sur l’illustration de la langue choisie (Decembrio en italien, Vasque de Lucène en français, Lluis de Fenollet, Alphonse de Liñan et un traducteur anonyme en castillan, un anonyme en portugais, Johann Gottfried en allemand, John Brende en anglais pour les premières, puis les retraductions, Seguier, Soulfour, Lesfargues, Vaugelas, Robert Codrington, Hans Friedrich von Lehsten…) :

-les choix des traducteurs, leurs conceptions et pratiques de la traduction, les prologues et autres éléments de paratexte, les compléments apportés aux lacunes, les illustrations, enluminures des manuscrits, gravures des imprimés, la circulation des manuscrits puis des imprimés, les milieux d’écriture des traducteurs, les mécènes ou dédicataires.

-tout un éventail d’appropriations selon différentes conceptions de la traduction, depuis la traduction humaniste, avec le respect philologique du texte et la recherche de la fidélité, jusqu’à l’idéal de la « belle infidèle » et la conception de la traduction comme travail esthétique et création, et comme support d’une réflexion sur la langue.

En France, de Vasque de Lucène à Vaugelas, une succession de traductions remodèle ainsi le texte et joue un rôle important dans la réflexion sur la traduction et sur l’idéal de la langue, d’autant que Vaugelas écrit ses Remarques sur la langue française parallèlement à sa traduction de Quinte-Curce et que cette dernière fait l’objet au XVIIIe siècle d’un débat de l’Académie française sur le bon usage et la normalisation de la langue.

 

3) Les exploitations politiques du texte de Quinte-Curce et de ses traductions dans une réflexion sur le pouvoir royal et la conquête guerrière :

-exploitations concertées du texte par des rois, reines ou princes dans des contextes historiques précis, au cœur de la création de « mythologies » de la royauté (Louis XIII, le duc d’Enghien, Louis XIV, Christine de Suède, Charles XII, Philippe V…)

- parallèles élogieux tracés par les éditeurs, traducteurs, auteurs, entre des souverains mécènes et Alexandre

- pédagogie et moralisation, mises en garde, critiques de l’absolutisme…

c’est-à-dire toutes les formes d’actualisation du texte et de l’exemple d’Alexandre, force toujours vivante dans le temps présent de l’écriture, tous les procédés d’instrumentalisation.

 

4) La réception de Quinte-Curce et les réflexions sur l’écriture historique : de l’historiographie humaniste à l’historiographie des Lumières 

-la valorisation du texte par des auteurs humanistes qui l’exploitent comme modèle de récit historique, pour en revenir à la vérité sur Alexandre en faisant table rase des affabulations héritées du Pseudo-Callisthène (Pétrarque, Decembrio, Vasque de Lucène) et par les éditeurs et traducteurs de la fin du XVIe et du XVIIe siècle qui œuvrent à sa diffusion comme témoignage historique de premier plan

-l’émergence de sa remise en cause au XVIIIe siècle : la naissance d’une lecture critique qui condamne le texte comme œuvre romancée / romanesque et qui établit une nouvelle hiérarchisation des historiens au profit d’Arrien, du moins pour la France (Voltaire, baron de Sainte-Croix en réponse au débat lancé par l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres sur les historiens d’Alexandre au XVIIIe siècle)

-durant ces siècles, les emprunts à Quinte-Curce pour l’écriture de différentes œuvres historiques (intégration de fragments du texte à des histoires universelles, des anthologies sur les hommes ou les femmes illustres, de nouveaux récits de la vie d’Alexandre (par exemple Paganino Gaudenzio ou Samuel Clarke…) et les jugements portés sur Quinte-Curce dans des ouvrages critiques sur les historiens antiques (Mascardi, La Mothe le Vayer, Gaudenzio, Bayle, Voltaire, Montesquieu, baron de Sainte-Croix…)

 

5) Les adaptations de Quinte-Curce : mises en fiction et transpositions théâtrales, romanesques et visuelles

Dès la fin du XVIe siècle, au moment même où le texte de Quinte-Curce est célébré comme modèle de récit  historique, il sert aussi de matrice à des textes qui joignent la fiction à l’histoire. Il devient le support de la création de nouvelles fictions, qui prennent corps dans de nouvelles formes d’expression sur Alexandre.

Certaines de ces adaptations viennent ainsi relancer le processus de fictionnalisation sur Alexandre que les éditions et traductions du texte de Quinte-Curce avaient contribué à arrêter après les libertés médiévales :

-les adaptations théâtrales qui se réclament de Quinte-Curce, avec souvent conjointement la revendication de la vérité historique et le travestissement de l’histoire (l’exemple le plus célèbre est sans doute l’Alexandre de Racine, avec sa critique au nom de la vérité historique par Saint-Évremond)

-les adaptations romanesques ou épico-romanesques : des poèmes de la Renaissance italienne du XVIe siècle (Triompho Magno de Falugio, Alessandro Magno in ottava rima du ms. de Rome, San Martino ai Monti) ; au XVIIe siècle, le roman héroïco-historique Cassandre de La Calprenède (lui-même traduit en italien et en anglais, adapté au théâtre par Nathaniel Lee dans The Rival Queens)… :  la mise en fiction d’Alexandre et de ses compagnons/compagnes, la création de héros fictifs comme doubles d’Alexandre.

-les transpositions visuelles de scènes de Quinte-Curce, entre fidélité et recréation : tapisseries, peintures, gravures (tapisseries flamandes, peintures italiennes, œuvres de Charles le Brun, peintures pour Philippe V…)

Nous souhaitons que l’ouvrage réunisse des analyses sur la circulation du texte en Europe pour une comparaison de ses modalités de publication et de réception, ainsi que de ses usages culturels, politiques et sociaux, dans les différentes aires linguistiques européennes.

 

Ce volume prolonge le programme de recherches ANR, qui a été mené sur la création d’un mythe d’Alexandre le Grand dans les littératures européennes (xe- début du xvie siècle) de 2009 à 2014 (direction : Catherine Gaullier-Bougassas, ANR, programme blanc 2009 ; présentation sur le site http://mythalexandre.meshs.fr/). Il fait partie du projet de Catherine Gaullier-Bougassas (2014-2019) dans le cadre de l’Institut Universitaire de France.

 

Les articles seront publiés chez Brepols Publishers dans la collection « Alexander redivivus », où sont parues les publications du programme ANR (dir. Margaret Bridges, professeur à l’Université de Berne, Corinne Jouanno, professeur à l’Université de Caen, Jean-Yves Tilliette, professeur à l’Université de Genève, et Catherine Gaullier-Bougassas, professeur à l’Université de Lille 3) : http://www.brepols.net/Pages/BrowseBySeries.aspx?TreeSeries=AR

 

Les articles sont à rendre pour le 15 février 2017. Leur longueur maximale est de 40000 signes (espaces et notes compris).

 

Les propositions d’article (en français ou en anglais) sont à adresser à Catherine Gaullier-Bougassas avant le 15 décembre 2015 à l’adresse : catherine-bougassas@orange.fr